DÉCOUVERTES MUSICALES - 2024
MUSICALES
2024
Cette année, je suis tombée profondément amoureuse de Twin Tribes, un groupe que je connaissais déjà très bien depuis plus de trois ans, presque quatre maintenant. J'étais déjà bien fan pendant tout ce temps, mais leur nouvel album puis leur concert m'ont... transcendé ? fait voir ce que je ne voyais pas avant ? fait passé du côté obscur de la force ? J'ai beau chercher, en 26 ans de vie je ne pense pas déjà avoir vécu ça. Je ne me souviens même plus de comment c'était avant. C'est une expérience unique, bizarre, surprenante, déroutante, déstabilisante, mais surtout très euphorique.
"Euphorique", c'est un mot qui a bien marqué toute cette année au-delà de la musique, avec le mastodonte émotionnel qu'est Final Fantasy VII Rebirth, l'excellentissime Astro Bot, le surprenant Stellarblade, les délicieuses extensions d'Elden Ring et Alan Wake 2...
Par ailleurs, la musique m'a réconciliée avec l'espagnol. J'ai beau avoir eu 20 au bac d'espagnol, les cours m'avaient dégoûtée de cette langue que j'avais fini par trouver moche et ennuyante. Après près d'une décennie à n'avoir qu'un lien très éloigné avec, la musique m'a mené à avoir beaucoup baigné dedans cette année, jusqu'à même enfin me motiver à me procurer un roman espagnol, inexistant en français ou anglais, que je convoitais depuis 13 ans. Un rêve presque aussi vieux que la présence du goth et du metal dans ma vie. Au final, en quelques mois j'ai entendu et lu presque autant d'espagnol qu'en six ans de pratique scolaire, tout en y prenant bien plus de plaisir. C'est fascinant.
"Euphorique", c'est un mot qui va revenir plusieurs fois dans cet article. Je ne me concentre que sur les découvertes de groupes et d'albums, mais impossible de ne pas mentionner que j'ai enfin vu, après 7 ans de passion, les deux reines surréelles que sont Lana Del Rey et Eivør. J'ai également vécu, entre autres, mon troisième concert de Draconian, durant lequel j'ai réalisé un rêve vieux de 15 ans, et mon cinquième round de She Past Away, plus euphorisant que jamais. Et à ce sujet, j'ai beaucoup renoué avec la musique gothique, que j'avais mise un peu de côté ces deux dernières années au profit d'autres univers musicaux, et j'ai même passé beaucoup de temps à décortiquer pourquoi j'aime autant le gothique, dans un article que j'ai vécu comme une lettre d'amour.
C'est parti pour retracer tout ça dans cette neuvième édition de mes découvertes musicales de l'année...
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RÜFÜS DU SOL
Deep house, alternative dance, indie electronic – Australie
Avec 9,4 millions d'auditeurs mensuels (6,5 quand j'ai commencé à écrire ça en mars), RÜFÜS DU SOL est le 5ème groupe le plus populaire de ma collection. Pourtant, il m'aura fallu deux ans pour les adopter. Dans la catégorie "laisser le temps faire les choses"...
En 2022 je suis tombée sous le charme des deux chansons ci-dessous, que j'ai de suite adoptées dans ma collection et que j'écoutais régulièrement. Malgré ça, le reste de leur discographie ne m'a pas du tout charmé.
Sauf qu'ils ont continué à beaucoup m'intriguer, notamment à cause de leur étrange nom. Alors deux ans plus tard, je réessaie d'écouter, motivée par Final Fantasy VII Rebirth et son Rufus Shinra que j'adore un peu trop. Et là, la magie opère. Chaque album a une ou deux chansons que j'aime moins, mais en dehors de ça, pouf, c'est adopté. Adopté puissance mille.
Au croisement de plusieurs genres (deep/tech/prog/melodic house, alt dance, indie electronic, techno...) au point d'être difficilement classable ou imitable, la musique de ce trio australien est à la fois douce et dansante, feel good sans être simpliste, parfois mélancolique, souvent introspective et atmosphérique. Le tout est accompagné d'une voix très singulière dont la vulnérabilité n'est que renforcée par l'utilisation régulière d'un falsetto. De nombreux titres bénéficient également d'éléments expérimentaux et d'envolées psychédéliques et éthérées qui peuvent créer une ambiance complètement ritualiste et méditative. Je n'avais encore jamais fait l'expérience d'une ambiance pareille sur ce genre de musique, et je n'avais pas non plus connu de musique qui s'écoute et se vit de façons aussi différentes selon le contexte et l'humeur.
Par leur sonorité, leurs paroles, leur esthétique et leurs habitudes, RÜFÜS créent une atmosphère toute particulière : le désert, la plage, les festivals, les lasers, l'autoroute, la contemplation solitaire et la communion de milliers de personnes. Des lieux et visuels aussi contradictoires que complémentaires, qui créent un voyage abstrait. C'est profondément éthéré, mais pas une éthéréalité cosmique comme ISON, ni primale comme Wardruna ou Heilung. Rüfüs, c'est une éthéréalité euphorique, émotive, tournée sur les sentiments intérieurs et les relations avec les autres, avec l'art, avec la nature, avec notre monde intérieur et extérieur.
Les activités musicales de Rüfüs Du Sol s'articulent autour de trois pôles : la création musicale en studio, les concerts et les DJ sets. C'est donc à la fois un groupe et un trio de DJs.
Les DJ sets sont des soirées pouvant durer jusqu'à quatre heures pendant lesquelles ils mixent leur propre musique avec celle d'autres artistes gravitant autour de leur style. Jamais auparavant je ne m'étais intéressée à ce concept, et pourtant j'ai envisagé aller à Londres pour assister à un de leurs sets ! Rüfüs sont extrêmement doués pour créer des mix immersifs et pour donner du charme à des chansons que je n'irai pas forcément écouter seules.
En ce qui concerne leur propres albums et concerts, dans une scène musicale dominée par les formats courts comme les EPs et singles, Rüfüs s'articule autours d'albums, un format bien plus long. D'ailleurs le trio n'ésite pas à produire des chansons plutôt longues et clôturer chaque album par un voyage atmosphérique qui varie entre 7 et 10 minutes. Enfin, l'un des membres du trio est un batteur, ce qui confère aux albums et aux concerts une profondeur toute particulière. Ce mélange d'électronique et d'organique, plutôt rare dans le milieu, est central à l'identité du groupe. Sur scène, Rüfüs utilisent leurs talents de DJs pour créer des transitions entre les chansons et faire quelques mixages en direct, l'occasion pour nous d'entendre des choses qui n'existent pas sur les albums et pour eux de s'amuser et briller individuellement lorsqu'il s'agit de solos de batterie ou d'expérimentations au clavier.
Je ne suis que très rarement intéressée par les remix, et j'ai un désintérêt encore plus prononcé pour les versions qui changent totalement l'aspect de la chanson originale, qui n'en retiennent pas le coeur. Néanmoins, les remix de RÜFÜS (ceux publiés officiellement en tous cas) sont si nombreux que je me suis laissée tentée, et je n'ai pas regretté. Je ne les apprécie pas tous, mais il y en a un paquet que j'aime énormément car ils approfondissent les chansons originales, notamment en étendant l'aspect instrumental ou en appuyant sur de nombreux aspects déjà présents. Ces remix ne sont pas des parasites inutiles et sans âme ou sans cohérence, au contraire, ils s'intègrent parfaitement dans la discographie de base et viennent prolonger l'expérience d'écoute de manière logique et harmonieuse.
Côté humain, Rüfüs n'est pas un groupe qui laisse indifférent non plus. Tyrone, James et Jon, c'est des gars qui viennent au studio en costard cravate le vendredi, juste pour le plaisir de jouer aux gentlemen. C'est des gars qui se disent "et si on filmait un concert en plein désert à la tombée de la nuit, devant personne, juste pour le fun ?" et qu'ils en font un véritable bijou audiovisuel. Ou bien "et si on fondait notre propre label pour aider des artistes en qui on croit et rendre hommage à ceux qui nous ont aidé à l'époque ?" ; "et si on organisait notre propre festival, avec des rave party la nuit et des activités de méditation la journée ?" ; "et si on faisait notre propre thé alcoolisé ?". Ces projets, bien que totalement annexes à leur musique, sont issus d'envies et d'histoires personnelles et témoignent de la créativité, de la passion, du dévouement, de l'indépendance et de l'authenticité qu'on retrouve dans leur musique et leurs prestations scéniques.
Pendant deux ans, RÜFÜS DU SOL était un groupe dont je n'aimais que deux chansons... et puis, au début de l'année, ce trio venu de l'autre bout du monde est devenu une partie intégrante de ma collection de musique électronique (et de ma collection de CDs), avec une musique que je trouve terriblement touchante, planante, délicate et euphorique. Certaines chansons me donnent quasi-systématiquement des frissons, même après de très nombreuses écoutes, que je sois immobile ou en train de danser dans tous les sens. Leur musique me transporte et me fascine continuellement, elle est source de réconfort et d'émerveillement. À en juger par la simple longueur de cette présentation, vous pouvez deviner qu'il s'agit d'une découverte majeure non pas à l'échelle de l'année mais à l'échelle de ma vie toute entière.
De deux chansons à toute une discographie. De l'indifférence à la passion.
De mon salon à la scène du Zénith de Paris à l'été prochain.
La musique est magique.
You make me feel like I'm levitating, feel like I'm flying babe, whenever I'm with you
À écouter également : All I've Got – Break My Love – Lately – Fire/Desire – Imaginary Air – See You Again – I Don't Wanna Leave – The Life – Paris Collides
Remix : New Sky (Edu Imberon) – No Place (Will Clarke) – New Sky (Audiofly) – Wildfire (Colyn) – Tonight (Yolanda)
DJ set : Burning Man 2024 – Lightning in a Bottle 2024 – Sundream 2022 – Burning Man 2019
Pour fans de : playa tech, deep house
CAIFANES / JAGUARES
Rock alternatif – Mexique
Bon. Twin Tribes n'ont pas réussi à me convertir au rock en español qu'ils citent comme une influence majeure. Désolée Los Prisonieros, La Unión et autres Soda Stereo, j'ai franchement du mal. Le rock gothique de Héroes del Silencio est pas mal, mais trop répétitif et old school pour une écoute fréquente. Par contre, j'ai adopté Caifanes. Doucement mais sûrement, ils se sont frayé un chemin non négligeable dans mon coeur... Dans le premier jet de cette présentation, quand je n'avais pas encore fini de les découvrir, j'avais écris que "c'est loin d'être une révolution pour moi". Mais en fait, bah, si. Pas de la même manière que Rüfüs Du Sol, mais une révolution quand même. Qui a d'ailleurs détrôné Rüfüs de sa place de la présentation la plus longue...
La musique de Caifanes n'est pas du tout qualifiable de gothique mais ils sont considérés comme les The Cure latino, que ce soit pour leur look ou leurs sonorités. Jugés trop bizarres et même trop extrêmes pour la scène mainstream, ils ont d'ailleurs subi une certaine censure et ont commencé de manière très underground avant d'exploser en popularité. Le contexte historique est également notable : provenant d'une ère où le rock quel qu'il soit a été littéralement banni du Mexique pendant vingt ans, leur aura alternative a joué un rôle important dans la culture gothique et underground locale et sur le rock mexicain dans son ensemble, duquel ils sont désormais vus comme incontournables.
Néanmoins, malgré tout ça et malgré leurs 7 millions d'audieurs mensuels (alors même que tout un album est absent de la plateforme), ils semblent complètement inconnus en Europe. Je n'ai trouvé aucune trace d'un quelconque concert européen en pas loin de 40 ans de carrière. Bon, ok. Quelques jours après avoir écrit cette phrase j'ai trouvé des traces d'un concert en Belgique et un en Espagne. Un mois plus tard, dans une obscure vidéo, j'ai trouvé une autre date : le 28 août 1995, au Chesterfield, un petit café... parisien. Des traces de trois concerts européens, dont un en France. Des concerts qui datent d'avant ma naissance. Et qui, en réalité, n'ont au final jamais eu lieu.
Actifs entre 1986 et 1996 puis depuis 2011, Caifanes proposent un mélange de rock alternatif et progressif, post-punk, légèrement new wave et psychédélique, infusé de folk et de sonorités mexicaines dont la cumbia (cf la dernière entrée de cet article).
Sans être un groupe de musique traditionnelle ou spirituelle, le mysticisme est une part importante de leur identité. Musicalement, cela se manifeste à travers des sonorités tribales et folkloriques, mélangées à des guitares atmosphériques, mélodiques, lourdes et expérimentales, qui frôlent parfois la limite du metal, avec une voix qui peut être aussi puissante que délicate. Thématiquement, on retrouve fréquemment une imagerie liée au surréalisme, la transcendance, la mort, l'introspection, la sensualité et la sexualité, les questionnements existentiels, les sentiments forts, le voyage intérieur et extérieur, la connexion à soi, à la nature, au cosmos et au monde. On est donc sur un style profondément introspectif et poétique, tout en étant varié. Les ambiances qui en découlent sont le reflet de cette diversité : énergique, calme, mélancolique, atmosphérique, rêveur, énervé, sensuel, motivant, contestataire, mystérieux, spirituel... Caifanes ont de tout et le font très bien.
Cette identité nationale/régionale, cette profondeur thématique et cette diversité musicale distinguent très fortement Caifanes de mes autres groupes de rock, new wave et 80's. Ils ont des choses en commun avec Indochine, Culture Club, New Order, Tool, et même Poets of the Fall et Crippled Black Pheonix, mais ils ont surtout des différences majeures, qui font qu'ils ne sont réellement équivalents à rien d'autre que j'écoute déjà.
Sans même parler de cette voix juste magnifique que ce soit à 25 ou à 60 ans (et ce malgré quarante opérations pour des tumeurs de la gorge, plus impressionnant tu meurs !), et de ces paroles délicieusement poétiques qui peuvent être très intenses. Avec des engagements sociaux explicites, notamment en faveur des droits humains quels qu'ils soient et contre la corruption gouvernementale, la pauvreté, le manque d'éducation, les féminicides et violences faites aux femmes, le racisme et l'homophobie. Je viens à l'instant de lire une phrase dans interview : "on aime faire des choses qui rendent les gens heureux, qui les euphorisent". Et ça se voit. En concerts, qu'ils appellent d'ailleurs des rituels, ils invitent sur scène des fans, qu'ils appellent d'ailleurs alliés, et interagissent énormément de manière générale. Sur les réseaux, il y a beaucoup plus de photos des fans et de leur staff que d'eux-mêmes. Passion musicale et bienveillance, générosité, communion et humanisme. Que demander de plus ?