Il y a deux semaines je suis allée au concert de Twin Tribes après trois ans à être super fan. C'était parfait, et ça m'a motivée à aller, cette nuit, à ma première soirée goth depuis un an et demi, histoire de prolonger le feeling, de baigner encore un peu plus dans ma musique préférée. J'ai complètement conscience qu'un concert et une boîte de nuit n'ont naturellement pas la même intensité, mais là, autant dire que je suis tombée d'assez haut.
Les soirées goth me déçoivent. Bon, quand je dis "les soirées", je parle surtout d'une en particulier. Je ne dirai pas laquelle car mon but n'est pas de dire "telle soirée spécifique est merdique", mais de partager je mon ressenti personnel qui s'applique à n'importe quelle autre soirée goth qui serait organisée comme celle-ci.
Je n'ai que très peu fait l'expérience de la concurrence, parce que quand j'ai commencé en 2017, cette soirée-là était si bien qu'elle était une valeur sûre. Il n'était pas très utile de chercher mon bonheur ailleurs puisqu'il était juste là, accompagné une odeur de patchouli et de machine à fumée, si singulières, familières et réconfortantes.
Et puis les choses ont empiré.
La meilleure soirée de ma vie, celle qui se rapproche le plus de mon idéal, a fermé juste après mon premier et donc dernier passage en 2019. Bien qu'elle a toujours été imparfaite, la soirée dont je vous parle ici a longtemps été un refuge, je m'y sentais si bien. 7 ans plus tard, ce sentiment s'est clairement estompé.
Cette nuit, mon amie, que j'ai rencontré il y a 7 ans après un concert de She Past Away et avec laquelle j'ai partagé presque tous mes concerts et soirées goth depuis, est venue se looker chez moi. On papote, on écoute mes CDs pendant qu'on se maquille, on s'échange des accessoires. Puis on part pour Paris, on arrive vers minuit, avec elle et mon conjoint on est super contents d'être là. On danse une demie heure - une heure... et puis l'humeur dégringole.
Elle a quitté la soirée à 3h. Je suis restée jusqu'à la fermeture à environ 6h, parce que de toute façon mon premier train était à presque 7h. Mais de 3 à 6h, j'avais envie de chialer (premier degré) tellement je ne m'amusais pas. Je lui ai dit qu'elle n'avait rien raté du tout. Et ça me fend le coeur. J'aurai aimé lui dire qu'elle aurait dû rester, qu'elle a raté plein de bonnes chansons, que l'ambiance était super cool, mais ce n'est pas du tout ce qui s'est passé.
Les gens
Il y a toujours eu des gens hors-sujet à cette soirée, mais là c'était le défilé des déguisements fantaisistes et des tenues fétichistes. Et avec, un comportement insupportable. J'ai connu les gens trop alcoolisés et les randoms qui arrivent déjà défoncés et qui sont un peu chiants, mais là c'est un autre niveau. D'une part, les très très nombreux bavards qui conversent toute la nuit par-dessus la musique, en sachant qu'il y a une terrasse faite pour ça et qu'on peut même entrer et sortir de la salle à loisir. D'autre part, les très nombreux lubriques (pas que les fetish d'ailleurs) qui font des actes sexuels à la vue de tous, parfois de manière réellement explicite. Je ne dirais pas que c'est traumatisant, je ne souhaite pas utiliser ce mot à la légère, mais ça me met sérieusement mal à l'aise. Si vous pensez "bah t'as qu'à pas regarder", non. C'est devenu si répandu qu'il est physiquement impossible de détourner le regard puisque ces gens sont partout autour de vous, jusqu'à même faire de vous la victime collatérale d'un coup de fouet (oui ça vient de m'arriver).
J'ai vu ces comportements pour la première fois y'a deux-trois ans, j'étais choquée mais je me suis dis, bon, c'est juste un couple qui se tape un délire sans rien respecter, c'est chiant et dégoûtant mais bon, concentre-toi sur autre chose. Puis c'était de plus en plus. Puis c'était carrément partout. Et ça me dérange énormément, parce que ce n'est pas ce pour quoi je viens, ni même ce pour quoi les gens sont censés venir. Absolument rien dans la description de l'événement ne dit qu'il s'agit d'une soirée fetish ou sexuelle, mais pourtant c'est complètement toléré au point où ces pratiques se sont totalement démocratisées.
Qu'on soit clairs, je ne suis pas en train de dire "ouin ouin le sexe existe beurk". J'encourage fortement les gens à explorer leur sexualité comme bon leur semble et à faire ce qu'ils veulent de leurs corps - mais sans moi, et dans les lieux qui y sont réellement dédiés. C'est une différence absolument cruciale. En ouvrant la porte à ça dans nos soirées, on ne respecte ni les gens qui n'ont rien demandé, ni l'intégrité de notre culture. Cette séparation est d'autant plus vitale dans le contexte de la sexualisation et fétichisation des femmes gothiques, dont j'ai moi-même été victime bien trop de fois pour compter. Dans nos vies courantes, on porte un corset ou du vinyl et tout le monde croit qu'on pratique du BDSM et compagnie. Les soirées goth sont censés être des espaces où on est libérées de ces préjugés, où on est véritablement comprises. Laisser la porte ouverte aux comportements sexuels créé un double irrespect : l'irrespect des personnes (surtout femmes) gothiques, qui ne sont plus en sécurité tant émotionnelle que physique, et l'irrespect de la culture gothique elle-même à travers l'acceptation voire l'encouragement de l'amalgame "gothique = sexe/fetish" qu'on essaie tant de combattre depuis toujours.
De manière très personnelle, je n'ai jamais compris l'idée selon laquelle une boîte de nuit est faite pour parler, boire, draguer, baiser, et accessoirement danser sur une musique dont on se fout un peu. Même à l'époque où ma connaissance n'était encore que théorique, c'était tout l'inverse de mon expérience : les goths vont en boîte pour danser sur leur musique préférée, et accessoirement discuter dans le respect des gens autour et de la musique. Cette approche a été clairement validée durant mes premières années de soirées, je ne sors pas ça de mon imaginaire. Maintenant, ces comportements du clubbing mainstream se sont progressivement infiltrés dans ma soirée, au point de la rendre inaccueillante, que dis-je, hostile, pour ceux qui comme moi sont là uniquement pour l'amour de cette musique bien spécifique et qui souhaitent, le temps d'une nuit, se concentrer sur rien d'autre que ça.
La musique
La soirée en question se veut, je cite, "gothique, batcave, post-punk". Et oui, en effet, il y a de ça, c'est indéniable. Mais il y aussi une floppée de musique non-goth, typiquement des tubes mainstream des années 80 et des trucs adjacents, peut-être moins mainstream mais toujours pas goth pour un sou. À l'époque, ces virées hors-sujet n'étaient des petits plaisirs ponctuels. Ils me faisaient rouler des yeux et me sortaient de l'ambiance, mais c'était tolérable. Maintenant ? Je sors d'une nuit où il y avait plusieurs heures de ça, probablement la moitié de toute la soirée. Alors même que ça n'a été annoncé nulle part.
Ce qui me rend encore plus triste, c'est que c'est ce qui marche le mieux. Ces moments sont de très loin ceux qui ramènent le plus de monde, alors que c'est objectivement hors-thème.
Privilégier autant la musique non-goth à une soirée goth, en plus d'être un non-sens, est un bâton dans les roues à notre culture, car :
Il y a 5 ans, j'écrivais : "Je reprocherais juste aux DJs de trop tourner en rond, et de ne pas laisser une chance à la musique goth moderne ou aux petits artistes. Je me souviens d'une soirée où on a eu trois fois Alice des Sisters... et c'est rare qu'on entende des chansons modernes ou d'artistes peu connus."
Inutile de dire que ce point n'a fait qu'empirer. Je reconnais que ce soir j'ai été surprise d'entendre des chansons moins connues d'artistes connus. C'est un effort louable, mais il est immédiatement détruit par le reste qui ne suit pas. Car en faisant des heures de tubes des 80's archi-connus et pas goth, il y a encore moins de place pour les artistes goth moins connus.
Pourquoi ?