The Boys, une super-satire démesurée

Réservé à un public adulte. Garanti sans spoilers. Visionné en VO.

Les super-héros me repoussent, j'ai une faible tolérance à la violence et au gore, et le sexe me fait vite lever les yeux au ciel. Pile poil ce qui fait le sel de The Boys, série que je connais de nom depuis longtemps mais que je n'ai jamais tenté de regarder. Un trailer m'a même convaincue que ce n'était vraiment pas pour moi. Et pourtant, motivée par mon conjoint qui en est fan depuis sa sortie en 2019 et par l'arrivée imminente de mon chouchou Jeffrey Dean Morgan en saison 4, j'ai quand même lancé le premier épisode... et pouf, me voilà en train de tout dévorer. 

Je me connais mal, ou bien cette série est faite d'une façon qui fait que j'adore ? On va voir ça ensemble, mais spoiler, c'est la deuxième option.


Depuis de nombreuses décennies, Vought International héberge des super-héros. La compagnie domine la vie américaine : les Supes (ou Supers en français) aident la population mais aussi la divertit avec des films d'action, des films porno, des télé-réalités, des jouets, de la musique, des restaurants... Dans cette version alternative et sci-fi-esque de notre époque, ces humains nés avec des facultés hors du commun sont en fait monnaie courante. Certains se démarquent par leurs pouvoirs encore plus exceptionnels, ce qui leur vaut le privilège de faire partie de l'équipe d'élite de Vought, les Seven. 

Il existe encore des humains normaux, comme par exemple Hughie, simple vendeur de matériel électronique. Sa petite vie tranquille est bouleversée lorsqu'il se trouve dans un violent accident causé par un Supe. Les choses ne font qu'empirer quand il se fait recruter par Billy Butcher, leader des Boys, un petit groupe qui oeuvre pour faire tomber les super-héros.



Super-héros vs anti-héros

Côté super-héros, l'élite de Vought est composée de Starlight qui manipule l'électricité, la combattante Maeve, le ninja Black Noir, l'homme-poisson Deep, l'homme invisible Translucent, et A-Train, dont la spécialité est la course à vitesse grand V. D'autres Supes, certains dans le fond et d'autres au centre de l'histoire, font leur apparition au cours de l'aventure.


Et bien sûr, une équipe n'est rien sans son capitaine : Homelander. Armé de ses yeux qui tirent des rayons laser et voient à travers les murs, en plus d'être capable de voler, il est la figure patriotique par excellence, tout le monde l'adore et le respecte. Il est de loin le plus parfait, porteur de valeurs idéales, sauveur de la veuve et de l'orphelin, d'une exemplarité sans failles... enfin... que d'apparence. Je ne vais pas rentrer dans les détails au risque de spoiler le (dé)plaisir de la découverte progressive de ce type, mais il n'y a pas plus détestable, plus glauque, plus flippant, plus malsain que lui. Chaque épisode le fait tomber toujours plus bas dans mon estime, et quand on se dit qu'il ne peut pas faire pire, et bah siiiiiiiiiii !!!!!!!!!



Côté anti-héros, on a le petit Hughie, mais aussi le mercenaire-chimiste-ingénieur-toxico français subtilement surnommé Frenchie, MM le gardien de prison qui tente d'être droit dans ses bottes et Kimiko, muette et semble-t-il incapable de mourir. Le groupe est mené par Billy Butcher, un gars sévère et torturé qui n'hésite pas à user de ses poings pour arriver à ses fins mais qui, au fond, est plus bienveillant qu'il n'en a l'air. Rassemblés par leur haine des Supes, les membres des Boys comptent sur les talents de chacun pour arriver à leur fins, qu'elles soient communes ou personnelles. Leur alliance est loin d'être parfaite, leur amitié et loyauté prend parfois de sévères coups et les tensions sont nombreuses, mais ils savent que l'union fait la force.

Les personnages de The Boys sont tous hauts en couleur, pleins de vie et de personnalités marquées. Nombre d'entre eux sont terriblement attachants. Pour autant, aucun ne tombe dans la caricature facile, les plus adorables comme les plus détestables ont tous des nuances de gris.

Et à ce propos...


Le monde part en couilles, putain

The Boys est une série profondément satirique, avec un humour très noir et une emphase sur de nombreux maux de nos sociétés occidentales actuelles : capitalisme, religions, viol, violences policières, racisme, sexisme, pinkwashing, greenwashing, queerphobie, addictions, sectes, autoritarisme, fascisme, marketing, désinformation, paniques morales, culte de la personnalité et relations parasociales, sexualisation des enfants, militarisme, nationalisme, manque d'esprit critique... 

Sans langue de bois, The Boys est très politique et très à gauche, et ce depuis le premier épisode (donc ceux qui disent que "la saison 4 est gauchiste" ne sont pas les couteaux les plus aiguisés du tiroir). La série est porteuse de valeurs très humanistes et progressistes et se fout purement et simplement de la gueule du conservatisme, de manière décomplexée et évidente. Si cela ne vous convient pas, vous pouvez passer votre chemin. De la bouche même du créateur, "j'ai ma vision du monde, et je n'ai pas honte de la retranscrire dans le série. Si c'est trop 'woke' pour vous, allez regarder autre chose. The Boys est beaucoup de choses, mais subtile ? certainement pas". 

Pour moi, c'est très cathartique. J'ai visionné la série (et je poste cet article) pile pendant les élections législatives et la montée de l'extrême-droite en France, et pendant le mois des fiertés durant lequel les multinationales veulent se faire du fric sur le dos de la communauté LGBT dont je fais partie. J'ai conscience que cette série ne changera rien au monde réel, mais voir une bande de renégats combattre tout ce que je déteste me fait beaucoup de bien. 




L'équilibre en toute chose

The Boys est en réalité une série très narrative. Si je devais classer ses particularités par ordre d'importance, ce serait narration > satire > super-héros > gore/violence > sexe, et non l'inverse. 

La série est ponctuée de scènes violentes et carrément gores. Je déteste ça, mais là ça passe crème, parce qu'à l'image de tout le reste de la série c'est totalement exagéré. Plusieurs scènes très brutales m'ont fait explosé de rire tant elles sont complètement loufoques ! C'est vraiment à se demander comment de telles situations ont pu traverser l'esprit des réalisateurs... Le gore et la violence sont parfois sérieux, et là oui, ça me met un peu mal à l'aise et je regarde ailleurs, mais ces scènes-là sont au final plutôt rares. La violence est récurrente mais elle n'est pas le centre de l'attention, elle vient surtout ponctuer certains événements, ajouter de l'action. J'ai été surprise au début, mais non, The Boys n'est pas une série d'action, c'est une série narrative avec un peu d'action. 

Le propos politique, bien que central, n'éclipse jamais la narration, l'histoire racontée, le lore de l'univers. Je trouve qu'il y a un très bon équilibre entre critique sociale et divertissement, les péripéties sont captivantes. Côté super-héros, les pouvoirs sont très bien faits, on y croit vraiment, et en même temps, ces gens sont, bah, des gens, qui sont entourés d'autres gens encore plus humains qu'eux. On n'est donc pas dans un délire fantaisiste 100% super-héros qui serait dur à prendre au sérieux. Enfin, le sexe est loin d'être invisible mais il est également loin d'être omniprésent, il vient surtout pimenter le tout, généralement de manière drôle et exagérée. 


Un autre type d'équilibre qu'on peut voir est celui entre critique et représentation, entre cynisme et bienveillance. Par exemple, on a d'un côté le forcing absurde et abject de Vought au sujet du (faux) lesbianisme d'une de leur membre, et d'un autre côté des personnages bisexuels représentés de manière très naturelle et bienveillante. Ils ne sont pas les LGBT de service, ils sont des êtres humains complets qui se trouvent être bi. Autre exemple, d'un côté on a le pseudo-féminisme et la pseudo-inclusivité forcée de Vought qui n'a pour objectif que le bénéfice financier, et d'un autre côté on a plusieurs belles représentations de femmes fortes, de personnes handicapées et neurodivergentes, présentées naturellement et sans insistance. 

Concrètement, tout est bien équilibré et immersif, et c'est, je pense, la plus grande raison du succès de la série auprès de mes petits yeux. Pendant toutes ces années, The Boys m'a repoussée car j'ai cru comprendre que c'est une série qui se focalise trop sur les super-héros, trop sur la violence et trop sur le sexe. En réalité il n'en est rien, les deux plus grands axes étant l'établissement d'une histoire dans un univers où il se trouve qu'il y a des super-héros, et une critique sociale qui suit parfaitement mes propres idées.




The Boys est une série où tout est démesuré. C'est outrancier, vulgaire, choquant, brutal, grotesque, absurde, cynique, parfois glauque, souvent drôle, et toujours sans aucun compromis. C'est démesuré... d'une démesure parfaitement bien mesurée. The Boys a trouvé la clé de la beauté dans le chaos - et c'est totalement addictif.

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