L'exploration infinie de No Man's Sky
Ça fait des années que je cherche un jeu d'exploration spatiale. Un truc plutôt réaliste, donc pas Outer Wilds, mais pas un truc trop axé gestion/stratégie, donc pas Stellaris. Star Citizen est, douze ans après son lancement, encore dans sa phase alpha (en plus d'être un mmo, donc de base pas pour moi), quant à Starfield, eh bien... disons que j'étais très hypée à sa sortie, mais j'ai abandonné après 30 minutes. Mi-2024, mon planning gaming "obligatoire" est terminé et a de la place pour des jeux optionnels : tester Cyberpunk 2077, redonner une chance à Starfield, ou bien tester No Man's Sky. Vous savez déjà quel a été mon choix.
No Man's Sky est un jeu qui, grâce à la génération procédurale, propose de visiter 18 quintillions de planètes. Si une planète était une banane, il faudrait 108 000 000 000 000 (cent huit mille milliards) de camions pour les transporter. Ça ne vous aide pas à mieux comprendre ce chiffre ? Moi non plus. Autant dire qu'en termes pratiques, le nombre de planètes dans ce jeu est infini.
Après une sortie qu'on ne saurait qualifier d'autre que de catastrophe, No Man's Sky a très longtemps été la risée du paysage vidéoludique. Sauf que près d'une décennie de mises à jour (gratuites !) plus tard, le jeu a bien évolué, et est désormais vu comme étant bon.
No Man's Sky repose principalement sur des mécaniques de craft et de survie, deux types de gameplay qui ne m'intéressent franchement pas. Je ne suis clairement pas la cible de ce jeu. Sauf que ça... je ne le savais pas en me lançant dedans. Moi on m'a dit "exploration spatiale", alors j'ai foncé. Droit dans le mur ? Non, loin de là.
TOURISTE ET PIONNIER
J'atteri sur la planète Otgr VII, au sein du système solaire nommé Sloots 2 et découvert par le joueur Neogod3 en 2018, dans la galaxie Euclide. C'est une planète hivernale et bien fournie, qui fait penser aux contrées enneigées de Skyrim. J'y mine mes premières ressources et installe ma première base, découvrant les mécaniques de craft et housing du jeu. Un tantinet rébarbatif, mais le résultat est sympa.
Le lendemain de ma première session, je décide de m'écarter de la quête principale pour vadrouiller au hasard dans l'espace. C'est ainsi que je me retrouve hors de ma première planète, mais toujours au sein du même système solaire. Me voilà face à une planète que mon radar désigne comme inconnue. Je la nomme ISON, en référence à un groupe de musique cosmique très important pour moi. En plus de ses deux lunes, deux autres planètes encore non-découvertes m'attendent au sein de ce système, que je vais nommer ISAE et Embersia, également en référence à ce groupe. ISON est une planète rocheuse complètement vide, en dehors de quelques minéraux et d'aliens que j'ai malencontreusement énervés. ISAE est similaire, mais remplie de neige. Embersia, par contre, est une autre histoire. À l'allure d'un désert américain, elle est remplie de faune et de flore. Elle est l'inverse total du mot "plat", de longues ascensions en jetpack s'imposent, la traverser n'est pas facile... mais la vue en vaut tellement la peine.Si Otgr VII était déjà découverte et habitée depuis belle lurette, ce n'est pas le cas de Embersia, ISAE, ISON et ses deux lunes. J'ai été la première au monde à y mettre les pieds. Peut-être que personne d'autre ne les trouvera. Mais peut-être que si. Et peut-être même que ça sera un autre fan de la musique d'ISON, qui sait...
Jour 3. Je me pose sur Popenusc, dans le système Ibosolon. Planète découverte il y a deux ans par le joueur AoYaJi, il y fait 140°C, mais cela ne l'empêche pas d'être véritablement sublime, remplie d'eau et de jungles rouges. Un peu plus tard, je découvre une nouvelle planète. Quand le blizzard aveuglant se calme, je vois d'un côté une vaste étendue enneigée, de l'autre, une plage dont l'eau est rouge. La levée du soleil révèle une contrée extrêmement riche en vie, où la neige n'empêche pas les arbres d'être verts, où l'eau est claire et abondante, où de petits êtres volent à côté de gigantesques créatures. Le feeling Skyrim est encore plus prononcé que sur Otgr VII, je nomme alors cette planète Whiterunis, en référence à la belle cité de Bordeciel.
Dans No Man's Sky, le joueur est à la fois touriste et pionnier. Du jamais vu pour moi.
SOLITAIRE ET MINIMAL
Si le genre du strand game tel qu'établi par Death Stranding est précis et unique au point qu'aucun autre jeu n'en fasse encore partie, le multijoueur asynchrone de No Man's Sky y fait quand même penser : les joueurs se partagent automatiquement des informations sur les planètes découvertes, et en visitant la planète de quelqu'un d'autre on peut y voir les modifications qui y ont été apportées, utiliser les équipements qui y ont été laissés. C'est très léger, mais c'est quand même là.
No Man's Sky est une expérience très solitaire et presque muette. L'interaction avec les PNJs est minimale et ne se fait que par écrit. L'histoire principale est elle aussi minimale, racontée uniquement à travers une succession d'endroits à visiter pour lentement avancer dans une histoire simple et pas très claire.
D'ailleurs, le multijoueur peut être tout aussi solitaire. La logistique fait que je ne suis pas en mesure de tester le mode coop, mais j'ai fait une petite heure en mode expédition et j'en suis ressortie sacrément perplexe. On atterrit sur une planète (en l'occurence sublime aussi bien de jour que de nuit) et notre but est de réparer notre vaisseau pour repartir vers un endroit indiqué, et... c'est tout. Je ne vois pas l'intérêt d'une telle mission, mais en plus l'interaction avec les autres joueurs est inexistante. Ils sont là, répartis sur la planète, on les voit bouger au loin et quelques-un sont juste à côté, mais leur présence ne sert à rien car aucune interaction ne prend place. Pas de coopération, pas de conflits, pas de commerce, pas même un bonjour. On partage le même espace en temps réel et on a tous le même objectif, mais chacun est occupé dans son coin. Peut-être qu'on peut utiliser les équipements créés par les autres joueurs, mais je n'en suis même pas sûre car je n'en ai vu aucun à des kilomètres à la ronde, j'ai dû me dépatouiller toute seule. Une fois mon vaisseau réparé, je voyage vers deux bases différentes, dont une impressionnante par sa taille et son look réaliste, mais rien n'y fait, je suis quand même toute seule sur la charmante piste de danse. Je reprends les commandes de mon vaisseau, direction la station spatiale, et là je ne comprends pas : impossible d'y entrer et le bouclier de mon vaisseau commence à se briser. Aucune explication, et ça n'a pas l'air de faire partie du scénario puisque d'autres joueurs sont présents dans la station. C'est donc complètement confuse que je quitte cette expédition.
Un peu plus tard, au cours de ma partie normale, je découvre Anomaly, une station spéciale où je croise d'autres joueurs et où je peux visiter d'impressionnates bases créées par d'autres. Ici on croise facilement de nombreux joueurs, mais le constat est le même qu'en mode expédition : aucune interaction quelle qu'elle soit. Pour info, je me suis demandée si c'était pas moi qui avait mal compris quelque chose, ou si j'étais trop biaisée par mon désintérêt général du multi, mais après avoir lu pas mal de posts je confirme que je n'ai pas mal compris quoi que ce soit et que je suis loin d'être la seule à trouver tout ça bizarre et sans intérêt. La faute à une communauté peu accueillante ? Non, la faute à un système bien trop simpliste pour être intéressant, qui n'apporte rien et s'intègre très mal dans ce jeu que tout le monde voit comme une expérience solo.
Le charme de No Man's Sky ne réside clairement pas dans sa narration, ni dans ses personnages, et certainement pas dans son multijoueur. On pourrait dire que son charme réside dans son système de survie, de craft, de commerce et de construction, et je ne pense pas que ce soit mal fait, mais ça ne m'intéresse pas. J'aime bien miner des ressources et m'amuser à modifier la structure du terrain, par exemple pour creuser des galeries sans raison ou une grotte pour me faire un abri, mais cet aspect n'est vraiment pas nécessaire à mon expérience. Par ailleurs, le système de combat spatial est rudimentaire et de type arcade, rien de trépidant ni d'inventif.
En plus de son multijoueur synchrone que j'ai trouvé vide d'âme, No Man's Sky n'est pas un jeu parfait. Pêle-mêle : si les biomes sont très divers et impressionnants, je regrette un manque de diversité au sein d'une même planète, qui mène à n'en parcourir qu'une petite partie. Dommage que le style graphique manque de réalisme, dommage que les PNJs manquent de vie, et dommage qu'on ne ressente que très peu l'impact du multijoueur asynchrone. Les customisations sont également bloquées derrières des missions, dont en multi, qui n'apportent qu'une somme risible de crédits nécessaire à l'obtention de l'élément cosmétique voulu, donc autant dire que j'ai customisé mon personnage avec ce qui était débloqué de base et basta.
No Man's Sky est donc un jeu sacrément inégal, beaucoup trop touche à tout au point de ressembler à un patchwork d'idées décousues et conséquemment pas très bien maîtrisées. Néanmoins, je pense qu'il est nécessaire de relativiser un peu en se rappelant qu'il s'agit d'un jeu développé par une toute petite poignée de personnes, remonté des enfers après une sortie extrêmement décevante et vieux de désormais presque dix ans.
Mon style de jeu n'aurait pas été possible d'une part sans l'excellent mode photo, et d'autre part sans la grande modularité du jeu, qui permet de personnaliser le niveau d'élements de survie, de craft, de commerce et de combat, jusqu'à les supprimer complètement. La musique, composée par le groupe de post-rock expérimental 65daysofstatic, vient sublimer ces expéditions solitaires avec ses sonorités minimales et atmosphériques.
Si on fait abstraction de ses vilains défauts, de son identité qui manque de cohérence, de son multijoueur lamentable et de son gameplay principal pas dans mon style, No Man's Sky est une expérience reposante et émouvante, tout particulièrement au vu de mon amour pour l'espace réel et les ballades atmosphériques dans de beaux environnements virtuels. Ce n'est pas un jeu objectivement révolutionnaire ni subjectivement transcendant, mais c'est un coup de coeur évident si j'y joue à ma manière. C'est également une belle preuve qu'on devrait pouvoir s'approprier un minimum son expérience vidéoludique, car comme le dit si bien la chanson d'introduction de Death Stranding, "don't be so serious". Si un jeu a le potentiel de nous plaire, il est contre-productif de se priver de personnaliser son expérience, de se conformer à la façon de jouer attendue ou majoritaire. Trouver une façon de jouer qui nous correspond mieux nous fait arriver à la même conclusion que les autres joueurs : aimer le jeu. Dans un jeu qui a pour thème l'exploration spatiale infinie... il serait profondément triste de ne pas oser dévier des sentiers battus.
L'exploration est dans notre nature. Nous avons commencé en vagabonds, et vagabonds nous sommes toujours. Après s'être longuement attardés au bord de l'océan cosmique, nous sommes enfin prêts à mettre le cap vers les étoiles. — Carl Sagan
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