Sorjonen, Karppi : la froideur criminelle finlandaise

Ces derniers mois me sont culturellement marqués en Finlande, entre jeux vidéo, livres, musique, et maintenant, séries.

Bordertown / Sorjonen et Karppi / Deadwind sont deux séries très récentes, toutes deux finlandaises et toutes deux du genre nordic noir. Il paraît que chaque pays nordique a ses séries dans le genre depuis un moment, mais que la Finlande tardait à en avoir : c'est maintenant chose faite.

Pour les non-initiés, le nordic noir est un genre d'abord littéraire puis cinématographique, qui puise ses caractéristiques dans la froideur et la mélancolie du Nord, sans métaphores ni euphémismes, pour un résultat sombre, morose et parfois même glauque.

Laissez-moi donc vous présenter Sorjonen et Karppi...


SORJONEN / BORDERTOWN


3 saisons, 31 épisodes / 2017 - 2020

Lappeenranta, petite ville finnoise à quelques kilomètres de la frontière russe. L'inspecteur Kari Sorjonen y déménage pour mener une vie plus tranquille qu'à Helsinki, mais malheureusement c'est ici qu'il va rencontrer les pires crimes.

La série se focalise principalement sur les crimes. En dehors de la famille de Kari et celle de sa collègue Lena, qu'on connaît bien, on n'a que peu d'informations sur la vie des autres personnages principaux, même si cela se déroule un peu au fil des saisons. Cependant, les familles des victimes sont, au contraire, au coeur des intrigues.

Les crimes sont à la fois tordus et complexes. Sorjonen entre dans les pires crimes qu'une personne puisse commettre, mais il ne s'agit pas d'une surenchère, au contraire : c'est réaliste à en être troublant. Allant de paire avec cette volonté de réalisme, les nombreux cadavres et les quelques scènes érotiques sont explicites, mais sans non plus être gores ou sensationnalistes. 

Même si c'est quelque chose qui peut varier selon les épisodes, une des grandes particularité de Sorjonen est qu'il est facile de savoir qui est le meurtrier, voire on nous le montre clairement dès le départ. La série se focalise beaucoup plus sur le déroulement d'un meurtre et sur les motivations plutôt que sur la découverte de qui est le meurtrier. 


De prime abord, Sorjonen est une série qui n'est pas particulièrement artistique. Au contraire de l'esthétisme britannique que j'aime tant, ici la caméra n'a pas vocation à être artistique. Il n'y a pas de plans artistiques, tout va droit au but. Pourtant, la série est indéniablement esthétique. Les décors simples voire désolés, les crimes à l'ambiance froide et sombre, les corps des victimes contribuent à donner à Sorjonen un esthétisme marqué, d'un autre genre et grâce à des procédés différents que ceux dont j'ai l'habitude.

Kari, le personnage principal qui a donné son nom de famille à la série, est quelque peu excentrique. Bien que ce ne soit pas exactement officiel, il possède des traits à la fois autistiques et hypersensibles. En tous cas, Kari est un inspecteur qui sort de l'ordinaire, et c'est très rafraîchissant à voir.

Enfin, j'aimerais souligner la beauté du générique, dont je ne me lasse jamais, tant visuellement que musicalement. La BO est dans son ensemble très belle et très bien utilisée.


KARPPI / DEADWIND

2 saisons, 20 épisodes / 2018 - 2020


Saison 1. L'inspectrice Sophia Karppi retourne au poste deux mois après le décès brutal de son mari. Elle est accompagnée par un nouveau collègue, le jeune Sakari Nurmi. Point de repos pour Karppi : elle est propulsée dans l'enquête du meurtre d'Anna Bergdahl, retrouvée ensevelie sur le site de construction d'un nouveau projet mêlant pavillons et énergie renouvelables.

Saison 2. Deux hommes portant le même tatouage sont retrouvés morts, les yeux bandés, l'un dans la capitale finlandaise, l'autre dans la capitale estonienne. Tous deux semblent liés au projet de construction du tunnel sous-marin reliant Helsinki à Tallinn, et l'un des collègues de Karppi semble mêlé à cette affaire

Chaque saison se concentre sur un seul meurtre. Puisque la série se déroule à Helsinki, le cadre est très urbain. En ce qui concerne les personnages, je les trouve vides... mais, pour une fois, ce n'est pas forcément négatif ! Les personnages sont très peu expressifs et très peu développés, avec peu de scènes de leur quotidien privé ou de détails sur leur personnalité. Il n'y a donc pas d'attachement à eux, mais cela aide en réalité à mettre l'histoire criminelle au coeur de la série. Pas de détour, pas de passage par quatre chemins : Karppi est une série policière, point. 

Et justement, en ce qui concerne l'histoire criminelle, Karppi en vaut le détour. C'est une histoire complexe et très bien ficelée. Il est difficile de deviner qui est le meurtrier tant tous les suspects ont des alibis solides et des têtes innocentes. Et en dehors de deux sauvetages assez ridicules tant ils semblent impossibles et sortis de nulle part, Karppi est une série globalement très bien réalisée, qui m'immerge très bien dans cette ambiance criminelle et urbaine de Helsinki.

J'ai complimenté le générique de Sorjonen, eh bien au contraire, je n'aime pas celui de Karppi. Néanmoins, il est très représentatif de la série : en noir et blanc, au ralenti, au piano. Froid et vide. Je n'aime pas ce générique en tant que tel, non, mais il est en réalité très bien choisi.





SORJONEN - KARPPI 
Le résumé


À mon sens, il n'y a aucune compétition possible entre ces deux séries. Elles excellent toutes les deux, et bien que l'une peut avoir des points forts que l'autre n'a pas, je n'ai pas ressenti de déséquilibre. Sorjonen et Karppi sont sensiblement différentes sur certains aspects, mais gardent une cohésion dans leur genre, et je trouve que ce sont deux très bons exemples du nordic noir.

Sorjonen, par son format, explore de nombreux crimes, qui sont tous différents et tous mentalement tordus. La série est très portée sur l'esthétique et l'ambiance de petites villes et villages. On s'attache vite aux personnages, qui sont tous hauts en couleur. Sur le plan criminel, Sorjonen se sépare des codes habituels du genre en se concentrant sur l'aspect psychologique d'un crime plutôt que sur l'enquête pour trouver le meurtrier.

Karppi se concentre sur une seule histoire, qui est plutôt simple sur le plan criminel, avec une approche classique. L'esthétique est urbaine et donc plutôt passe-partout. Quant aux personnages, on ne sait pas grand-chose d'eux, ils ne sont que le vecteur de l'histoire criminelle - une histoire qui est immersive et intriguante du début à la fin.

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Alors, Sojonen ou Karppi, Bordertown ou Deadwind ? Laquelle de ces deux séries vous tente le plus, ou, si vous les avez déjà vues, laquelle vous a le plus marqué ?

Criminellement et finlandaisement vôtre,
~ Neph, perkele

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