Le guide de la demisexualité
La demisexualité
La demisexualité est une orientation sexuelle située sur le spectre asexuel, faisant partie du groupe LGBT. Il en va de même pour le demiromantisme.
Dans cet article écrit avec toute une vie d'expérience, de nombreuses années de recherches et d'échanges ainsi que de gestion de la plus grande communauté en ligne qui y est dédiée, j’espère expliquer au mieux ce qu’est et n’est pas la demisexualité.
N’hésitez pas à me poser de questions en commentaires si vous trouvez certains passages pas assez clairs :)
Drapeau demisexuel. Le blanc représente la sexualité et le noir l'asexualité. Le gris est donc un mélange des deux, symbolisant les personnes de tout le spectre compris entre la sexualité et l'asexualité. Enfin, le violet représente la communauté.
Définition
La demisexualité est une orientation sexuelle sur le spectre asexuel (également dit « ace »). Elle fait partie des identités LGBT, le A du sigle étendu LGBTQIA+ désignant l'asexualité et l'aromantisme. Il en va de même pour le demiromantisme et le spectre aromantique (aro).
Une large étude a estimé que seulement 1% de la population se situe sur le spectre asexuel, et parmi eux, 5% sont plus précisément demisexuels.
« Demi » veut dire « à mi-chemin
entre ». Être demisexuel, c’est donc partager des traits de l’allosexualité (le fait d'être capable d'être attiré par quelqu'un) et l’asexualité (le manque d’attirance sexuelle).
Concrètement, la demisexualité désigne l'incapacité totale d'être attiré par qui que ce soit, sauf s'il s'agit d'une personne avec qui on partage déjà un lien émotionnel fort. Une personne demisexuelle est capable de ressentir de l'attirance sexuelle, mais cette attirance est limitée par la condition précise d'avoir un lien émotionnel préexistant et important. La préexistence de ce lien est l'unique condition sous laquelle un demisexuel peut être attiré par quelqu'un. Une autre façon de le dire serait « asexuel sauf / jusqu'à exception » ou « asexuel qui peut ressentir une attirance si et seulement si la condition précise d'un lien émotionnel fort est respectée ».
Pour résumer, voici quelques façons courtes de formuler la définition de la demisexualité :
- Je suis complètement incapable de ressentir des sentiments sexuels pour quelqu'un si je ne suis pas déjà très proche de cette personne
- Mon attirance sexuelle est strictement conditionnée et limitée par la préexistence d'un lien émotionnel fort
- Je suis presque entièrement asexuel : je peux être attiré par quelqu'un, mais uniquement après avoir formé un lien émotionnel fort
- Je suis physiquement incapable d'être attiré par quelqu'un qui ne compte pas déjà énormément pour moi
- La seule chose qui me permet d'être attiré par quelqu'un, c'est l'existence de sentiments émotionnels importants
Terminologie
On
parle de demisexualité pour désigner l’attirance sexuelle, mais il existe
également le spectre aromantique, où figure le demiromantisme. La définition est
la même que pour la demisexualité, mais elle concerne les sentiments amoureux
et romantiques. Une personne peut être demisexuelle mais non-demiromantique, ou inversement, demiromantique mais non-demisexuelle.
Une
personne qui n’est pas sur le spectre asexuel ou aromantique est une personne
allosexuelle ou alloromantique. « Allo » vient du grec « autre », le mot
désigne donc quelqu’un qui peut ressentir de l'attirance envers les autres personnes, de manière régulière ou globalement non-limitée, par opposition à l’asexualité.
Une
personne demiromantique et demisexuelle est souvent dite « double
demi », ou plus simplement juste
demisexuelle, l’aspect romantique étant alors sous-entendu (comme lorsqu’on
parle d’une personne bisexuelle, si rien n’est précisé, on part du principe
qu’elle est à la fois bisexuelle et biromantique, en plus d'être allo).
Par souci de clarté et de concision, lorsque j’utilise le terme « demisexuel » ou « demi » dans cet article, j’englobe la demisexualité et le demiromantisme. Pour voir cet article uniquement sous le prisme de l’attirance romantique, remplacez simplement l’attirance sexuelle par l’attirance romantique.
Enfin,
au sein de l’article j’utilise le mot « crush », qui désigne une
personne envers laquelle on est attiré.
Une
personne demisexuelle et/ou demiromantique…
• Ne
peut strictement pas ressentir d'attirance sexuelle et/ou romantique pour quelqu’un avec qui elle n’a pas de lien émotionnel fort.
La nature de ce lien est subjective, mais typiquement il s’agit de sentiments émotionnels très profonds comme on peut en avoir envers son meilleur ami, son ami proche avec qui on partage une importante passion, son mentor, une personne avec qui on a une relation complexe mais avec qui on a traversé des choses importantes. Pour un demi, être sexuellement et/ou romantiquement attiré par quelqu'un dont on ne se considère pas déjà très proche est strictement impossible. Il n'y a pas de variations ici, soit on est demi soit on ne l'est pas, car on ne peut pas être incapable de ressentir quelque chose et en même temps le ressentir de temps en temps.
•
Fait partie du spectre asexuel et s’est généralement considérée comme entièrement asexuelle
avant d’avoir ressenti une attirance pour la première fois.
• Peut avoir des crush sur des célébrités et personnages de fiction, mais généralement après une certaine période à les connaître et à les avoir dans sa vie quotidienne, et surtout, uniquement après avoir formé avec eux un lien profond (que l’on appelle « relation parasociale »).
• N’est attirée au cours de sa vie que par une petite poignée de personnes. L'écrasante majorité des demis peuvent très facilement citer la totalité des personnes envers qui ils ont été attirés. Cela peut varier selon le degré de facilité d’une personne à nouer des relations profondes et son degré d’intérêt pour l’amour et le sexe, mais puisque l'attirance est complètement impossible sauf si on est déjà émotionnellement liés à la personne, il est tout à fait logique que le nombre d'attirances totales sera très faible comparé à la plupart des gens. Pour comparaison, j'ai fait un questionnaire qui a récolté près de deux cents réponses : les allosexuels peuvent être attirés au cours de leur vie par des centaines voire des milliers de personnes, et sont en moyenne attirés par un inconnu une fois par semaine, voire à chaque fois qu'ils sortent dehors. Cela est tout à fait impossible pour un demisexuel.
•
Utilise les termes « sexy, hot, attirant.e, chaud.e, bombe »
etc d’une façon complètement différente des personnes allosexuelles. Pour un
demi, reconnaître objectivement le sex-appeal de quelqu'un et être
attiré par la personne ne vont pas forcément de pair.
• Peut trouver un inconnu beau, charmant, joli, stylé, etc. Ceci fait partie de l'attirance esthétique, qui peut être vécue séparément de l'attirance sexuelle ou romantique, elle ne rentre donc en pas en compte dans la définition de l'orientation sexuelle.
• N’arrive généralement pas à comprendre pourquoi il est socialement tabou d’avoir des sentiments pour ses amis, pourquoi il est tabou d’avoir une relation sexuelle non-romantique avec ses amis et pourquoi un sex friend n’est, selon la norme sociale, pas censé être un véritable ami envers qui on a des sentiments forts. Un demi peut choisir d'avoir des relations occasionnelles, mais soit il aura des relations sans être attiré par la personne, soit la personne sera quelqu'un envers qui il a des sentiments émotionnels fort, par exemple un ami proche.
•
Peut ressentir des sentiments sexuels forts ou fréquents une fois qu’un lien émotionnel a été
établi, ou au contraire, peut ressentir des sentiments faibles ou rares. Certains trouvent le sexe comme une nécessité de la vie de couple, d'autres non. Certains passent aussi par des périodes à être entièrement
repoussés par le sexe. Tout cela n'a pas de rapport avec la demisexualité, car la demisexualité traite uniquement du moment où on peut ressentir de l'attiracne pour la première fois. N'importe qui de n'importe quelle orientation peut avoir n'importe quelle relation ou mentalité envers l'acte sexuel.
• Peut pratiquer du sexe sans sentiments, car la demisexualité traite uniquement d'attirance et non d'actions ou de choix de vie.
• Peut tout à fait regarder des films pornographiques, même si la façon de les regarder est assez différente de celle des allosexuels. Plusieurs écoles existent : un rejet total de la pornographie car la personne trouve que cela n'a aucun sens ou que c'est équivalent à de la tromperie ; ne regarder que des films avec de vrais scénarios montrant une réelle complicité ; ou au contraire ne jamais se concentrer sur les acteurs et regarder purement pour les actions. Dans tous les cas, les demis sont assez unanimes sur le fait qu'ils ne prêtent quasiment aucune attention aux corps des acteurs, seulement au lien émotionnel entre les personnages ou bien à l'action sexuelle en elle-même. Les demis ne fantasment pas sur les acteurs porno et ne souhaitent se retrouver dans le film avec eux.
•
Pour un demisexuel, la notion de coup de foudre ou d’amour au premier regard
n’a pas de sens. Tout au plus un demi peut utiliser ces expressions pour parler
d’une soudaine attirance humaine, amicale ou esthétique envers la personne, mais cela ne
désignera jamais une attirance sexuelle ou romantique soudaine. Par définition,
un demi n’en a jamais fait l’expérience, c’est donc un concept impossible à
comprendre. Il existe d’ailleurs plusieurs sujets de forums où des demis
partagent leur récente découverte du fait que le coup de foudre ou l’amour au
premier regard ne sont, pour la majorité de la population, pas que des
métaphores poétiques.
Ce que la demisexualité n’est pas
• Ce n'est pas une maladie mentale, un dysfonctionnement sexuel ou un traumatisme.
• La demisexualité n’est pas un choix de vie. Ce n’est pas « attendre le prince charmant », ce n’est pas « vouloir vivre un conte de fée », ce n’est pas « se préserver », ce n’est pas l’abstinence, ce n’est pas « se respecter », ce n'est pas « être sélectif », ce n’est pas « prendre son temps », ce n’est pas « préférer passer par l’amitié d’abord », ce n’est pas « vouloir » ou « ne pas vouloir » quoi que ce soit. La demisexualité n’est pas un état d’esprit, ce n’est pas une philosophie de vie ou une préférence sexuelle, ce n’est pas penser que « le sexe c’est mieux quand y’a des sentiments ». La demisexualité n’est pas déterminée par les choix que l’on fait ou le type de vie amoureuse ou sexuelle que l’on aimerait avoir. La demisexualité n’est déterminée que par l’incapacité physique de développer des sentiments sexuels envers quelqu’un avec qui l’on n’est pas déjà très proche.
• Requérir un lien émotionnel fort pour être capable de ressentir de l'attirance n’a pas de rapport avec le fait d’avoir « besoin de faire confiance avant d’engager une relation ». Pour des raisons de sécurité évidentes, la majeure partie des gens ne commencent pas une relation avec quelqu'un en qui ils n'ont pas confiance, ceci n'est donc pas lié à l'orientation et n'a pas de lien avec la demisexualité, qui n’est pas déterminée par des problèmes de confiance en soi ou en les autres.
• Ce
n’est pas parce qu’un demisexuel a besoin d’être meilleur ami avec quelqu’un
qu’il va forcément être attiré par tous ses amis (de la même manière qu’une lesbienne n’est pas attirée par toutes les femmes qu'elle croise).
• La
demisexualité, comme n’importe quelle autre orientation sexuelle, n’a pas de
rapport avec le type de pratiques sexuelles que l’on aime ou pas, ni avec un manque de libido.
•
Bien qu’il existe des demis qui une relation neutre ou négative avec le sexe,
être demisexuel ne veut pas automatiquement dire que l’on n’aime pas le sexe.
Tout le monde est comme ça / personne
n’est comme ça
Il
existe deux arguments, qui sont ironiquement diamétralement opposés, pour
invalider la demisexualité.
« Tout le monde est comme ça »
Cet
argument provient d’une très mauvaise compréhension de ce qu’est la
demisexualité, ou, plus rarement, d’une personne qui est elle-même demi sans le savoir et
croit que tout le monde est comme ça car elle ne se voit pas comme
« anormale ». Il est cependant courant qu’un demi qui a grandi dans
un environnement conservateur ait cru toute sa vie que tout le monde est comme
lui.
Si
tout le monde était demisexuel, un bon paquet de choses n’existerait pas :
- Le fait d'être capable d'être attiré par quelqu'un de qui on n'est pas proche.
Voilà, rien que ça c'est censé suffire, mais si on se penche sur les conséquences qui découlent du fait que la majorité du monde est capable d'être attiré par des gens desquels ils ne sont pas déjà proches, on peut citer :
- Les
coups de foudre, être attiré par quelqu'un qu'on connaît à peine voire pas du tout, le speed-dating, les émissions
comme Mariés au premier regard ou L’île de la tentation qui reposent sur l'attirance quasi-immédiate entre inconnus, les
lieux / applis / sites de rencontre basés sur le physique et/ou ayant pour
principal but de rapidement trouver une relation sexuelle
- Le
fait de trouver une célébrité ou un inconnu dans la rue super sexy, les fans
qui postent des commentaires sur le fait qu’ils aimeraient bien se taper une
célébrité, les fans qui s'extasient devant le corps d'un musicien qu'ils ne connaissent pas durant un concert, les paparazzis et les magazines people se concentrant sur le corps des célébrités, l’adulation d’une
pornstar en particulier
- Les
clips musicaux avec beaucoup de nudité, les chansons à propos de coup de foudre
ou de sexe avec des personnes qu’on ne connaît pas, les scènes érotiques ou dénudées au cinéma ou à la télé ou même dans les pubs, qui visent à faire plaisir au spectateur bien plus qu'à servir le propos
- Les
films pornographiques filmés en point de vue, qui visent à représenter le fait d'être en train d'avoir une relation avec l'acteur
- Les strip-clubs, le fait d’embaucher des strip-teaseurs pour les enterrements de vie jeune fille/garçon
« Personne
n’est comme ça »
Ce
deuxième argument est tout simplement une négation pure et simple des
sentiments et de l’expérience des personnes demisexuelles, car, justement, la
« normalité » est vue comme étant tout ce que je viens de citer. Beaucoup
de gens pensent qu’il est impossible que des gens ne ressentent pas ce qu’eux
et la majorité de la planète ressentent. Bien qu’il soit compréhensible qu’on
ait du mal à comprendre quelque chose que l’on ne vit pas et qui en plus est
minoritaire, cela ne veut pas dire que cette chose n’existe pas, qu'elle est insignifiante ou qu'elle devrait être insignifiante.
La demisexualité en quelques chiffres
À
l’occasion de l’écriture de cet article, j’ai publié un post demandant quelques statistiques aux demisexuels qui le voudraient. J’ai récolté
40 réponses. Mon objectif n’est pas de jouer aux statisticiennes et de vous
présenter une étude ultra précise, mais simplement de vous donner un aperçu,
sous forme de quelques chiffres et remarques, des plus grandes différences qui
existent entre les demisexuels et le reste de la population, en particulier
ceux qui ne sont pas sur le spectre asexuel.
L’âge moyen des participants est de 27 ans, allant de 17 à 42 ans.
Les
participants ont ressenti leur première attirance sexuelle entre 14 et 23 ans. Beaucoup
de participants ont fait la distinction entre l’attirance romantique et
l’attirance sexuelle, avec l’attirance sexuelle se manifestant quelques années
après la première attirance romantique.
En ce qui concerne le temps nécessaire à l’établissement d’un lien émotionnel qui va permettre le développement de sentiments sexuels, les participants ont répondu avoir besoin entre 2 semaines et 15 ans, la majorité des réponses se situant entre deux mois et deux ans. Beaucoup de participants ont insisté sur l’importance de l’intensité, de la profondeur et de la régularité des conversations avec leur futur partenaire dans l’établissement d’un lien émotionnel avec celui-ci. Cela montre donc que la demisexualité n’est pas une question de « prendre son temps avant d’avoir une relation sexuelle », c’est une question d’intensité émotionnelle, qui est très personnelle et donc très variable.
La moyenne de nombre de crushs (personnes envers lesquelles on est attirés) est de 3, avec une fourchette allant de 0 à 12. Beaucoup de participants ont répondu avoir un nombre d’attirances sexuelles bien inférieur au nombre de leurs attirances romantiques.
La moyenne du nombre de partenaires est de 1, avec une fourchette allant de 0 à 5 partenaires, y compris romantiques. Beaucoup de participants se sont mis en couple avant d’être attirés sexuellement par leur partenaire et ont eu des relations amoureuses qui n’ont pas duré assez longtemps pour que des sentiments sexuels se développent, créant ainsi une disproportion entre le nombre de relations amoureuses et le nombre de relations sexuelles.
La totalité des participants ont répondu qu’ils n’ont jamais ressenti d’attirance sexuelle ou romantique envers une célébrité, sauf trois, qui ont répondu avoir été attiré par « très peu », 3 et 5 célébrités. Plusieurs ont également répondu avoir ressenti une attirance envers quelques artistes, mais pas du tout d’une manière sexuelle ou romantique, simplement « humaine » ou « amicale ». Du côté des personnages fictifs, le non l’emporte toujours mais avec plus de réponses positives, allant de « quelques-uns » à « trop pour compter ».
Enfin,
les participants sont presque autant demiromantiques + demisexuels que
alloromantiques + demisexuels, avec une légère prévalence du double demi. Une
personne a répondu être demiromantique et asexuelle.
Suis-je demisexuel.le / demiromantique ?
Voici une série de questions qui résument l'article et qui peuvent vous aider à comprendre la demisexualité de manière condensée, ou même à déterminer si vous êtes vous-mêmes demi. Pour savoir si vous êtes demiromantique, remplacez dans les questions la notion d'attirance sexuelle par la notion d'attirance romantique et le tour est joué :)
- Suis-je en capacité de tomber amoureux ou d'être sexuellement attiré par quelqu'un sans la stricte nécessité d'un lien émotionnel préexistant ? Mon attirance est-elle non-limitée par un prérequis émotionnel intense ?
- Est-ce que la notion d'asexualité, donc le fait de ne jamais être attiré par quelqu'un, me semble incompréhensible ou inimaginable pour moi-même ?
- Est-ce que j'ai déjà eu des coups de foudre, des sentiments sexuels ou romantiques quasi-immédiats, ou au moins est-ce que j'arrive à comprendre ce concept ?
- Même si je n’ai rien fait par la suite, est-ce que j’ai déjà été attiré.e par quelqu’un que je ne connaissais pas vraiment, qui n’avait pas déjà un profond impact dans ma vie ou dont je n'étais pas déjà très proche, comme par exemple une personne lambda vue dans la rue, un inconnu dans le métro, l’ami d’un ami, un nouveau camarade ou collègue, etc ?
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