Charles Baudelaire, auteur de ma vie
Peut-être le saviez-vous, peut-être pas : depuis des années déjà, je suis une grande admiratrice de Charles Baudelaire. Rien que d'évoquer ce nom ne me laisse pas indifférente, et pour cause : cet homme, poète maudit du XIXème siècle, a totalement forgé ma vie artistique. Je me souviens lire ses vers en pdf dans mon lit, quelque part dans mes années collège. Contrairement à la plupart de mes camarades, j'adorais déjà la poésie, et comprenais plus qu'eux. Mais une grande partie de ses poèmes me fascinaient non pas pour leur sens, mais pour leur inaccessibilité : tant de vocabulaire que je n'avais pas encore acquis, de figures de style, de thèmes que je ne comprenais pas. Alors, arrivée au lycée, il était évident depuis l'école primaire que j'allais être une L, mais si quelqu'un m'y a réellement motivée, c'est bien lui. Quand on étudiait les Fleurs du Mal lorsque j'étais en première, avec mon professeur que l'on nommera monsieur A. que je n'oublierai absolument jamais, j'étais dans mon élément plus que jamais auparavant.
Alors, depuis des années, posséder une vieille édition des Fleurs du Mal était mon plus grand rêve littéraire. Non pas pour frimer car que j'ai eu un objet monétairement hors de prix pour une bouchée de pain ridicule, mais pour la beauté de l'objet. Pour avoir quelque chose qui appartient à l'époque de cet auteur qui me fascine tant. Lire ses poèmes en pdf, puis dans une édition lycéenne moderne n'a totalement pas le même sentiment que de les lire dans un vieux livre de 1868, avec une sublime tranche, des pages dorées, l'odeur, les tâches de l'usure du temps, les vieilles orthographes. À la lueur de quelques bougies, avec soit le silence, soit quelques pistes d'Adrian von Ziegler, je retombais dans cette ambiance poétique d'antan, perdue peu à peu ces dernières années à cause des études stressantes, de l'anglais omniprésent dans mon quotidien et des jeux vidéos chronophages. Mais mon conversion spirituelle au paganisme nordique m'a replongée dans une envie poétique, et Baudelaire m'a redonné cet élan enfoui quelque part en moi.
« La soif insatiable de tout ce qui est au-delà et que voile la vie, est la preuve la plus vivante de notre immortalité »
-- (Baudelaire, cité par T. Gautier, préface des Fleurs du Mal)
« La soif insatiable de tout ce qui est au-delà et que voile la vie, est la preuve la plus vivante de notre immortalité »
-- (Baudelaire, cité par T. Gautier, préface des Fleurs du Mal)
Jamais un auteur ne m'a marqué à ce point. Et courant décembre, j'ai eu la chance inestimable de réaliser ce rêve. Je sais que cela paraît ridicule pour certains, inutile, too much. Mais j'aimerais que vous compreniez l'importance symbolique et émotionnelle de ce rêve, bien plus que l'importance matérielle en tant que telle. Et d'ailleurs, quelques jours après, j'ai réalisé un deuxième rêve de longue date
: lui dire bonjour de manière concrète. Maintenant que je peux me balader où je veux grâce à ma carte Navigo de l'enfer qui tue, j'allais enfin pouvoir aller au cimetière du Montparnasse !
: lui dire bonjour de manière concrète. Maintenant que je peux me balader où je veux grâce à ma carte Navigo de l'enfer qui tue, j'allais enfin pouvoir aller au cimetière du Montparnasse !
Autant dire tout de suite que ce fût un moment de grande émotion. Je suis déjà passée auparavant devant les tombes de Chopin, Balzac, Jimi Hendrix... Et bien que je les respecte et les admire plus ou moins, ça n'avait aucun rapport avec lui. Nature ouvertement émotive que je suis, j'ai rapidement fondu en larmes. Après tant d'années, ça y est, j'étais là. Pour de vrai. Je ne suis pas venue en touriste, mais en amie, en recueillement sincère. Trouvez cela exagéré si vous le voulez, mais je vous assure que tel n'était pas le cas. Et ça m'a touchée de voir autant de fleurs, de petits mots, de tickets de métro, de bougies, le tout plus ou moins récent. Sans compter ces traces de rouge à lèvres de toutes les couleurs qui témoignent de l'admiration, mais aussi de l'affection. Je n'étais pas la seule à avoir fait ce déplacement spécialement pour lui.
« Baudelaire était une nature subtile, compliquée, raisonneuse, paradoxale et plus philosophique que ne l'est en général celle des poètes »
-- (Théophile Gautier, préface des Fleurs du Mal)
« Baudelaire était une nature subtile, compliquée, raisonneuse, paradoxale et plus philosophique que ne l'est en général celle des poètes »
-- (Théophile Gautier, préface des Fleurs du Mal)
Après plus d'un siècle et demi, il continue à inspirer, émouvoir, toucher l'âme des gens. Et pour un auteur qui n'a jamais pu finir son œuvre, je pense que c'est le plus beau des hommages que de lui montrer qu'il est toujours présent dans nos vies.
Après un moment de recueillement silencieux, et après avoir déposé ma rose d'un rouge profond, j'ai lu quelques poèmes. J'ai dédié L'Horloge à monsieur A., car presque à chaque fois que je le relis, j'ai sa voix en tête. J'ai profité d'avoir la force de parler pour dire à haute voix quelques mots sur mon ressenti. Et entre deux venues de touristes, je n'ai pas pu m'empêcher de prendre quelques photos à but artistique... Puis, avec mon copain qui était là avec moi, on s'est assis sur les marches devant sa tombe, et on est restés là pendant largement plus d'une heure. Dans le silence, le croassement des corbeaux qui nous observaient amicalement, et les jeux de mots nullissimes qui m'ont fait regretté de ne pas avoir un beau poète dandy comme petit-ami...
« La vie parisienne est féconde en sujets poétiques et merveilleux »
-- (Baudelaire, Curiosités Esthétiques)
« La vie parisienne est féconde en sujets poétiques et merveilleux »
-- (Baudelaire, Curiosités Esthétiques)
J'avoue qu'en guise d'au revoir, temporaire évidemment, je n'ai pas pu m'empêcher de suivre le mouvement des traces de maquillage, moi qui justement avais mon noir aux lèvres. Un sourire et un modeste "merci", et me voilà repartie : les cloches de fermeture ont sonné.
Début janvier, nous sommes allés à l'exposition "L’œil de Baudelaire" au Musée de la Vie Romantique. C'était probablement la toute première fois que j'allais dans un musée de ma propre initiative, moi qui trouve cela généralement barbant.
Passé le choc thermique, me voilà entourée d’œuvres diverses que mon auteur favori adorait, ou au contraire, détestait. Cette exposition permet de mieux comprendre l’œuvre de Baudelaire en tant que poète et critique d'art, de mieux comprendre ses goûts artistiques et ses inspirations. J'ai juste trouvé dommage que ses poèmes ne soient pas plus mis en valeur, surtout en pensant aux néophytes.
Outre cet aspect critique d'art, il y avait également l'aspect poète... Et pour une admiratrice de très longue date, voir les manuscrits de Baudelaire ne m'ont pas laissé de marbre...
Voir tout ceci a encore plus réveillé ma passion poétique. Je ne cacherai pas que je me retenais de pleurer, mais mon copain m'a dit que les étoiles d'excitation qui brillaient dans mes yeux ne pouvaient passer inaperçu...
Il y avait également l'exemplaire des Fleurs du Mal que Baudelaire a signé et envoyé à Jeanne Duval en 1861, l'exemplaire des Histoires Extraordinaires d'Egdar Allan Poe qu'il a envoyé à je ne sais plus qui, l'exemplaire de Madame Bovary que Flaubert a signé et envoyé à Baudelaire... (Je suppose que c'est ici que je dois faire une dédicace à mes anciens camarades littéraires qui ont souffert avec Emma, et aux générations futures qui souffriront encore longtemps pendant leur année de baccalauréat...)
Et la part un peu gamine de moi n'a pas pu résister...
Pardonnez-moi, mais je manque réellement de marques-pages ! Quant au badge, nous allons dire qu'en fais la collection. Oh et le Moleskine acheté le même jour me sert désormais de brouillon, adieu feuilles volantes que je perds sans cesse dans mes cahiers de cours ! PS : Ce n'est pas moi qui ai écrit "PS : Il est trop beau !!!" dans le livre d'or du musée. Ce n'est pas moi.
Baudelaire, c'est cet ami que j'ai depuis vraiment très longtemps. Je dirai même, celui qui est resté le plus longtemps à mes côtés...
Je fais beaucoup de conneries, beaucoup de blagues parfois à caractère fantasmatique, je taquine, je rêvasse, je rougis. Le tout dans une profonde admiration.
Baudelaire, c'est cet ami qui malgré lui est réellement un ami. Tout en le respectant infiniment, je ne peux m'empêcher de me sentir très proche de lui. J'ai énormément d'affection et de bienveillance pour lui, de manière saine évidemment.
Merci à toi d'avoir fait de moi cette pseudo-poète que je suis depuis le tout début de mon adolescence. Merci à toi d'avoir fait persister en moi cette flamme poétique si spéciale.
Et merci à monsieur A. d'avoir fait de moi non pas une L, mais une littéraire. Une personne accomplie et passionnée, bien au-delà du lycée. J'étais certes une élève très effacée et qui ne servait à rien en cours, mais je ne cesserai jamais de dire que sans vouloir faire un quelconque favoritisme de nunuche, s'il y a bien un professeur qui m'a marquée et changée, c'est vous. Vous resterez à jamais dans mon esprit, et ne croyez pas que ceci est un au revoir ! Je ne fais que, comme souvent, votre éloge, car vous le méritez. Je ne veux pas vous flatter : je dis simplement le fond de ma pensée. Sans vous, je doute avoir pu apprécier mes années lycée autant que je l'ai fait. Et dans mon parcours, que vous le vouliez ou non, vous, Baudelaire et moi sommes liés.
Littéraire de cœur, poétesse d'esprit,
Je vous dédie, en toute modestie
Ces fleurs maladives. (À savoir cet article hein, vous m'avez comprise !)
Ces fleurs maladives. (À savoir cet article hein, vous m'avez comprise !)
Je pense qu'il est temps que j'arrête mon blablatage... Si vous m'avez lue jusque là, sachez que c'était une confession très personnelle mais dont j'avais besoin de parler. Peu importe qui vous êtes, merci d'avoir laissé une petite part de moi défiler sous vos yeux.
Pour les intéressés, mon blog de poésie reprend peu à peu du service !
Bonne année à tous, en espérant qu'elle sera pleine de belle littérature !
~ Nephelith
PS : Non, Martin. Charles n'est pas chauve.
Touchant témoignage pour le poète maudit <3
RépondreSupprimerPS : tu fais des blagues de L pour un George fan de blague d'N pendant que moi les blagues de M fuse sur le crane de Charles !
... Mind : fucked.
SupprimerEt pour le dernier, Charles t'emmerde.
Ceci dit, merci. Comme toujours, je suis très sincère dans ce que je dis, et tu es le premier à le savoir mieux que personne...
C'est sûr, c'est pour ça que je suis touché de te voir l'écrire et de mettre ton cœur à nu (oui c'était voulu)
SupprimerJe t'aime rien que pour ça ♥
SupprimerCet article de blog exprime mon admiration passionnée pour Charles Baudelaire. Ses poèmes, avec leur langage complexe et leurs thèmes profonds, ont suscité en moi une fascination. Étudier les "Fleurs du Mal" au lycée a renforcé mon amour pour la poésie et m'a motivé à poursuivre des études littéraires. J'ai été particulièrement attiré par le style gothique de Baudelaire, qui explore des sujets sombres et mystérieux. Cette expérience a nourri ma passion pour l'expression artistique et a approfondi mon intérêt pour le style gothique. Merci pour ton partage
RépondreSupprimerBonjour missgothique,
SupprimerJe suis très honorée que cet article vieux de six ans et demi ait pu résonner en toi. Je ne l'avais moi-même pas lu depuis très longtemps. Mon style d'écriture a pas mal changé depuis, il y a beaucoup de choses que je dirais aujourd'hui d'une façon différente, mais le fond, lui, reste le même. La passion baudelairienne étant relativement rare, surtout chez ceux de mon âge, je suis très touchée que toi et moi partagions le même sentiment... Merci beaucoup pour ton commentaire :)
Je suis comme vous...Il me fascine et m'inspire des poémes...Je viens d'ailleurs de lui écrire une lettre, j'en avais besoin. Je me plais à croire qu'il la lira de là où il est...
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