L'étiquette "gothique" : honte ou fierté ?

Depuis la naissance de la culture gothique dans les années 80, un débat fait rage : doit-on s’appeler "gothique" fièrement, ou au contraire, doit-on refuser d’entrer dans une case, quelle qu’elle soit ?

Dès les débuts du mouvement, les différentes bandes d'amis se crêpaient le chignon quant à cette question, pendant que les Sisters of Mercy, pionniers du rock gothique et groupe phare de la culture, rejetaient avec dédain cette étiquette. Quatre décennies plus tard, nous en sommes au même point.

Le mot "gothique", dans sa version courte "goth", est une étiquette, un label, une case. C’est mot qui définit les gens - et ça a le don de mettre mal à l'aise.

Prenons pour exemple deux gothiques fictifs, Raven et Mina...

Uniques à tout prix

Dans les arguments contre l’utilisation du terme, il y a le fait que la culture goth est censée être anticonformiste. En se déclarant d’une étiquette, on s’y conforme. Raven voit ça comme un paradoxe, si ce n’est une insulte envers les fondements du mouvement.

Un autre argument est qu’il est révoltant d’avoir besoin de se définir comme goth. Raven n'a pas ce besoin, elle pense qu’elle est plus que juste une goth, qu’elle est elle-même, et que ce terme est donc réducteur.

De plus, le mot "gothique" a été inventé par un journaliste pour se moquer de la culture gothique naissante. En effet, il a choisi ce terme car il provient des Goths du Moyen-Âge, sous-entendu, des barbares. Celui qui se définit comme gothique s’insulte donc lui-même, pense Raven.

 

Une fierté à brandir

Dans le camp inverse, il y a Mina. Elle, au contraire, pense qu’il est ridicule qu’un gothique renonce à l’étiquette. Elle voit ça comme un paradoxe, voire comme une insulte envers les fondements du mouvement : nos ancêtres n’ont pas établi tout un mouvement culturel pour qu’on en ait honte.

C’est aussi complètement ridicule : si Raven correspond parfaitement à la définition de ce qu’est un goth, pourquoi refuser de s’y identifier ? C'est comme si un blond s'obstinait à dire qu'il n'est pas blond ! En ce qui concerne l’histoire du journaliste, Mina pense que c’est très bien de se réapproprier cette insulte et de la transformer en quelque chose de positif. Tu as voulu nous insulter ? Bah tiens, la voilà, ton insulte : elle n’en est pas une. Alors, on fait moins le malin, môsieur le journaleux ?

Une étiquette = une aide

Dans le camp du milieu, eh bien il y a moi. Je suis ni une Raven, ni une Mina.

Fondamentalement, je pense que le terme "gothique" est un terme comme un autre qui sert à la description d’une personne. C'est un outil de vocabulaire. C'est un mot. "Gothique" fonctionne exactement comme "bisexuel" ou "petit" ou "poète". Quelqu’un qui est attiré par deux genres est un bisexuel. Quelqu’un de petite taille est petit. Quelqu’un qui écrit de la poésie est un poète. Et quelqu’un qui aime la culture gothique est gothique.

Ces étiquettes sont des aides. Elles servent à décrire de manière simple et courte une partie de notre identité. Par conséquent, je ne vois vraiment pas où est le mal à se décrire avec le mot "gothique", si sa définition nous correspond.

Cependant, cela ne veut pas dire qu’il faut obligatoirement l’utiliser, cette étiquette. J’ai une personnalité assez variée, donc je comprends tout à fait que certaines personnes n’aiment pas utiliser d’étiquettes et préfèrent dire "je suis moi" au lieu de dire "je suis gothique, prof, végétarien, intolérant au lactose, atristotélicien, verlainien, petit, brun, danseur et non-fumeur".

Se dire gothique renferme aussi deux notions : l’importance personnelle et l’esprit de communauté. Si le gothique n’est qu’une petite partie de la vie de quelqu’un et/ou s’il ne ressent aucune appartenance communautaire, ça a du sens de rejeter l’étiquette au profit d’un simple "je suis moi".

Conclusion ?

À mon sens, le mot "gothique" est un qualificatif comme un autre. Je trouve puéril de le rejeter par pur anticonformisme car il faut être unique à tout prix, mais je trouve tout aussi puéril de forcer les gens à l’utiliser.

Comme souvent avec moi, mon avis se trouve dans le juste milieu, et surtout dans les choix personnels réfléchis et sincères : faites ce que vous voulez, et en parallèle laissez faire les gens ce qu’ils veulent. Ne vous forcez ni à vous définir comme gothique, ni à refuser de vous définir comme gothique. Choisissez ce qui vous correspond le mieux.

Personnellement, je me range volontiers dans la case "gothique". Je trouve que ce mot me correspond tout à fait et je ne le trouve pas du tout restrictif. Rien ne m’empêche de me dire gothique, et en même temps métalleuse, et en même temps fan de Lana del Rey. Je suis tout aussi "lectrice" que "gameuse". En ce qui concerne l’origine insultante du mot, je m’en fiche éperdument. Objectivement c’est une histoire qui a tendance a être oubliée, subjectivement ça ne me fait ni chaud ni froid. Je suis également une vive défenseuse de l'acceptation de l'évolution des langues. Si une langue est vivante, ses mots et le sens qu’on y attribue évoluent avec le temps qu'on le veuille ou non, et je trouve contre-productif de rejeter un mot uniquement sous prétexte qu'à une époque il était utilisé différemment.

En utilisant le mot "gothique", je décris une partie de ma personnalité, une partie très importante, qui me passionne énormément, qui est là depuis presque treize ans, qui me fait vivre et vibrer. Je ressens aussi bien la description que l’importance personnelle que l’aspect communautaire. Et, de l’autre côté, utiliser ce terme ne m’empêche pas d’en utiliser d’autres complémentaires. Je n'ai aucun problème à utiliser autant de d’étiquettes, de qualificatifs, de mots que nécessaire pour me décrire.

Ni une obligation, ni une restriction - c’est une aide, un outil de communication. Ni plus ni moins.